Saint-Gouéno, le 4 juin 2013,

Durant des mois, des semaines on ne pense qu’à elle. On estime, on suppute, on décide, on prend des risques, on organise. On cherche à la rendre plus belle, plus forte, plus attirante.

Un matin de printemps, on envoie des équipes de servants la débarrasser des plaies que l’hiver a pu lui infliger. On élague, on coupe, on débroussaille.

Puis le jour approche. Des centaines de servants s’affairent. Alors on la décore, on la dote de mille accessoires, on la frotte, on la gratte. On la pare de ses plus beaux atours.

Enfin c’est le jour. Enfin elle s’éveille à nouveau. Enfin elle n’est plus cette petite route qui serpente dans les collines, elle redevient la Course de cote.

Sur ses reins des monstres modernes, hurlant et pétaradant, s’élancent à l’assaut de mythiques exploits, de records fabuleux, d’émotions fortes. Ses flancs sont parcourus par un ruban ininterrompu d’adeptes qui arpentent ses sentiers, colonnes de fourmis attentives et passionnées, montant et descendant pour mieux jouir du spectacle, pour faire corps avec ces « fous volants » qui effacent ses virages dans le vrombissement de leur bolide. Jusqu’au soir ils partiront à l’attaque pour tenter d’assécher, mais en vain, la soif de leur passion.

Et pour l’illuminer encore plus, on l’équipe, cette année, d’un joyau : un écran géant, véritable temple païen au pied duquel des milliers d’adeptes se pressent pour ne rien perdre du fabuleux tournoi.

Durant plusieurs jours sa vallée retentira des grondements, des crissements des pneumatiques, des hurlements des moteurs poussés à leur maximum, des « viva » scandés par des milliers de poitrines. Durant plusieurs jours toute la contrée saura qu’un dragon terrifiant s’est emparé des collines.

Mais le monstre s’assoupira à nouveau. Les adeptes partiront, le cœur et l’esprit remplis de souvenirs qu’ils nourriront et embelliront jusqu’à l’année suivante. La petite route redeviendra ce parcours bucolique qu’il fait bon emprunter l’été. Et si parfois quelque grondement se fait entendre, ce ne sera que celui d’un tracteur, d’un engin de notre vie rurale.

Mais un tel évènement n’est possible que grâce à une formidable organisation. Des mois de travail, une équipe compétente et dévouée, une volonté et une vision, et la fantastique force du CLAP : celle de fédérer les associations et les bonnes volontés. Cette force fédératrice qui permet à un village de 700 âmes d’accueillir près de 15 000 visiteurs !

Notre club, ses adhérents sont fiers de participer à un tel mouvement. Par-delà les générations, les modes de vie, les histoires, tout un village se regroupe pour faire vivre l’héritage qu’ont légué ses anciens, pour que toujours dynamisme, avant-gardisme, solidarité et partage demeurent au fronton de Saint-Gouéno.

Et toi notre ami Jean-Pierre, toi qui nous a quitté cette année, ne craint rien : on continuera !

Patrick Becker - Générations Mouvement

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